Méditation du Notre Père

Publié le par Paulfeuillesdautomne.over-blog.fr

Janvier 2008 – Retraite d’équipe  -  Le « Notre Père » (Martini – Ne Méprisez pas la Parole)
 « Maître, apprends-nous à prier ! »

                                                           Quand je dis : ‘Seigneur, apprends-moi à prier’, qu’est-ce que je demande ?

-          Je demande de croire en ta présence, en ta bonté, en ta puissance…

-          Je demande de savoir perdre du temps pour te rencontrer, approfondir ma relation avec toi, parler de tout ce qui fait ma vie ‘comme un ami avec son ami’ (Ex 33.11) comme un frère avec son frère, comme un fils avec son père…

-          Jadis, on m’a appris à « faire oraison » : j’ai complètement perdu ce type de rendez-vous. Il n’y a qu’en retraite que je m’efforce de passer ½ heure, une heure simplement pour m’abandonner en ta compagnie et me laisser modeler par Toi…

-          Heureusement qu’il y a Prières du temps présent, les psaumes, les hymnes, les réponds, les prières universelles, la lecture continue d’un livre de la Bible, la messe du matin (spécialement deux fois par semaine avec des petits groupes de chrétiens). Et encore, le soir, il ne faut pas grand chose : ordinateur, téléphone, réunion, pour que les Vêpres sautent…

Seigneur, donne-moi le goût, le désir, la joie de la communion avec toi.

 

Notre Père qui es au cieux…

                                               Dieu n’est qu’un mot qui cache notre ignorance, notre incapacité à concevoir, à penser, à connaître

 l’ « au-delà de tout ». On t’a nommé Elohim, El Shaddai, Yaweh… Allah..

À Moïse qui demandait : « Dis-moi quel est ton nom ? », tu répondais : « Je suis qui je suis », comme si te nommer, te définir était impossible ; ou encore « je serai qui je serai » comme si on ne pouvait faire connaissance avec toi qu’en prenant le risque de la confiance absolue.

Au mieux pouvions-nous risquer de t’appeler : « Dieu de la vie », « Dieu tout-puissant », « Dieu de l’Alliance », « Dieu ami des hommes »… en nous rappelant toutes tes interventions de création, de libération, de guérison, de miséricorde, de tendresse, même.

Et voilà qu’un jour, au bord du Jourdain, puis sur la montagne, le ciel se déchire et ta voix se fait entendre, disant à Jésus : « Tu es mon Fils, mon bien-aimé, en Toi j’ai mis tout mon amour ! ». Ce Fils, on voyait bien la confiance qu’il te faisait, l’intimité qui l’unissait à toi, le temps qu’il prenait, parfois des nuits entières, pour te rencontrer, comme si sa seule certitude, c’était sa relation avec toi, sans savoir où cela le conduirait ; et plus la situation se tendait, plus il s’en remettait à Toi.

Et puis un jour, pressé par un disciple, il a levé un grand coin du voile, quand il nous a invités à prier en disant « Notre Père » !

·          Même si ce n’était qu’une image, elle serait déjà merveilleuse, car un père, c’est celui qui donne la vie, qui éduque, qui nourrit, qui protège, qui châtie aussi parfois, qui console, qui soutient…

·          Mais Jésus lui-même, quand il disait par exemple « Mon Père et votre Père », puis l’Esprit-Saint dès les débuts de l’Église, nous ont révélé qu’être « fils du Père », c’est ce qui nous définit dans notre être le plus profond : « Vous avez reçu un esprit de fils qui vous fait vous écrier Abba, Père… L’Esprit en personne se joint à notre esprit pour attester que nous sommes enfants de Dieu ». (Ro 8.15-17)

·          Alors c’est un chemin d’amour, de confiance, d’obéissance, de pardon, de remise de notre vie qui s’ouvre. « Tu es tout nôtre »  et pas seulement « tout autre »…

·          De plus, en disant « Notre Père », cela nous relie non seulement à tous les chrétiens, mais à tous les croyants au Dieu unique et à tous ceux que tu as créés à ton image et ressemblance : s’ils te ressemblent, c’est bien qu’ils sont de ta famille, eux aussi. Et puis, en s’incarnant, ton Fils n’est-il pas devenu  l’homme par excellence en qui tous peuvent se reconnaître.

Mais tu n’en restes pas moins le « Tout Autre », le Dieu de la transcendance, de la lumière éternelle, de ce ciel où tout est clair, lumineux, limpide, juste et vrai. Alors nous pouvons t’implorer quand nous sommes dans l’obscurité, l’ambiguïté, le compromis. Nous pouvons nous décharger de toutes nos inquiétudes sur Toi, qui as soin de nous. Et si l’anxiété nous étreint, tu sauras, toi qui es aux Cieux, nous établir dans la paix, la confiance, la joie, l’abandon.

 

Que ton nom soit sanctifié !

Oser t’appeler Père, mais aussi te tutoyer, cela exprime la connaissance mystérieuse, intime de Dieu que possède le fidèle qui récite le NP sous l’action de l’Esprit Saint.

Oui, Père, quelle grâce que d’être admis dans ton intimité, dans la familiarité avec toi ! Donne-nous de pénétrer dans l’intention de ton Fils quand il a mis sur nos lèvres cette première demande du Notre Père : Que ton nom soit sanctifié !  

Parmi bien des sens possible, bien des interprétations, j’en retiens quelques-unes pour enrichir ma prière :

·          Une reconnaissance : que tout le monde te reconnaisse non seulement comme Dieu, mais aussi comme Père tendre, aimant, miséricordieux, qui envoie son fils pour une déclaration d’amour à l’humanité ; que tu sois reconnu comme celui qui aime, réconforte, pardonne, comme celui qui attend, qui va à la rencontre, embrasse, fait revêtir la robe nuptiale, donne un grand festin (Luc 15.11-32)

·          Une demande : Père, agis, interviens dans l’histoire de manière que la grandeur de ton nom soit vraiment reconnue (Es 36.21). Interviens pour ton peuple, comme tu le promets en Es 36.24-28)

·          Un étonnement : si tu nous aimes, si ton rêve est de faire réussir ta création, comment se fait-il que les forces du mal semblent si puissantes et capables de mettre en échec ton projet d’amour ?

·          Un souhait : que ta transcendance, ta sainteté soient reconnues, que tous les hommes s’écrient : « Qu’il est grand et magnifique le Dieu qui accomplit son dessein dans l’histoire ! » Que tu sois reconnu comme incomparable dans l’accomplissement de ton dessein d’amour.

·          Une certitude : c’est déjà fait ! « Mon nom, je l’ai glorifié et je le glorifierai encore » (Jn 12.27) En Jésus, tu es pleinement sanctifié, glorifié. Et tu nous donnes de participer à l’accomplissement de cette glorification. Mais délivre-nous de vouloir pratiquer la respiration artificielle sur Jésus pour l’aider à ressusciter. Tu es assez grand pour manifester toi-même ta gloire.

·          Une consécration : je suis consacré en Christ à rendre témoignage à ta sainteté et invité à faire de la louange le fond de ma disposition intérieure…

·          Une question : la louange, le remerciement, sont-ils ma disposition première ? Même quand je souffre, ou me révolte, ou me plains ; même quand ta gloire semble foulée aux pieds (avec la dignité de l’homme)…

Apprends-moi le langage des psaumes : « Où es-tu, Seigneur ? Où est ta gloire ? Pourquoi te caches-tu ? Pourquoi ne te révèle-tu pas ?

Apprends-moi la prière des juifs pieux aux moments les plus noirs de leur existence : « Toi, Seigneur, tu te caches ! Toi Seigneur, tu sembles silencieux ! Montre ta gloire ! Où es-tu, Seigneur ? Fais que nous te voyons ! Fais que tout le monde reconnaisse que tu es notre roi, que tu prends soin de nous, que tu ne nous as pas abandonnés »

 

Que ton Règne vienne !


                                      C’est la réalisation dans l’histoire de la demande précédente…

Cette demande affirme le désir humble du disciple qu’une réalité qui a connu un départ pauvre, doux, presque méprisé, conquière peu à peu le cœur des hommes, qu’elle soit joyeusement et librement accueillie et qu’elle rayonne.

C’est une réalité intime du cœur, qui cependant conquiert l’univers à travers le changement de vie qu’elle provoque : pensons aux béatitudes qui sont l’expression typique du style de vie du Royaume.

Une réalité qu’on vit en se mettant à suivre ce Jésus dans l’humilité, dans une vie cachée, dans le mépris des privilèges, dans sa façon de vivre, d’aimer, de souffrir.

Nous demandons en devinant plus qu’en raisonnant, en désirant du fond du cœur plus qu’en ayant devant les yeux une image bien précise.

Le fait que nous répétions cette demande montre que le Règne de Dieu n’existe pas encore dans sa plénitude : il est caché, enfoui, c’est un levain, une graine, une jeune plante et il faut l’œil de la foi pour l’apercevoir.

Nous désirons demander avec confiance que l’humble puissance de Jésus se manifeste jusqu’au dévoilement complet et définitif, cette puissance humble, discrète, mystérieuse, modeste, douce, convaincante..

Cette prière naît d’une grande espérance, d’une confiance absolue, d’un abandon total au Seigneur. Et tandis que nous la récitons, nous voulons marcher sur les traces de Jésus qui nous enseigne comment le Règne vient lorsque l’on vit une vie de pauvreté, d’amour, de pardon, de don de soi jusqu’à la mort.

« Nous te remercions, Père, parce qu’il t’a plu de nous donner le Royaume, à nous, petit troupeau insignifiant par rapport au tumulte du monde, de sa soif de pouvoir, de sa violence, de ses vantardises pour les découvertes toujours plus avancées de la science. Tu nous donnes ton Royaume et tu nous invites à le chercher, à le demander. Donne-nous de comprendre en quoi il consiste. Il correspond certainement à un désir très profond de ton Fils Jésus. Fais que nous entrions dans son cœur et le laissions prendre place dans nos cœurs et dans notre vie. » pp 155/56

 

Que ta volonté soit faite…

                                               Jésus, tu as fait de cette volonté du Père ta nourriture (Jn 4.34)

Tu as souvent souligné : « je suis descendu du ciel non pas pour faire ma volonté mais la volonté de celui qui m’a envoyé » (Jn 6.38)

« Oui, c’est la volonté de mon Père que quiconque voit le Fils et croit en Lui ait la vie éternelle ». (Jn 6.40)

« Celui qui m’a envoyé est avec moi : il ne m’a jamais laissé seul parce que je fais toujours ce qui lui plaît ». (Jn 8.29)

C’est surtout au moment crucial de ton agonie qu’il t’en a coûté des sueurs de sang : « Mon Dieu, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi. Cependant, non pas comme je veux, mais comme tu veux ! » (Mt 26.39)Toi qui as tant désiré la venue du Règne, pour que la volonté du Père s’accomplisse, il t’en coûte de l’accepter et de dire : « Que ta volonté soit faite ! ». C’est peut-être ce qu’il y avait de plus profond dans ta conscience intime : le désir du Royaume. C’est pourquoi nous te demandons, Seigneur Jésus, la grâce de pouvoir vivre l’expérience dont parlait Saint Paul : « Ayez les mêmes sentiments qui furent dans le Christ Jésus ». Nous te demandons de te connaître intimement dans cette méditation du Notre Père.

Tu as aussi insisté pour que tes disciples comprennent que cela compte plus que les plus belles prières : « Ce ne sont pas ceux qui disent… mais ceux qui font la volonté du Père, qui entreront dans le Royaume » (Mt 7.21) – « Quiconque fait la volonté de Dieu, celui-là est mon frère et ma sœur et ma mère » (Mc 3.35) En faisant la volonté de Dieu, nous entrons dans une intimité unique avec toi, Jésus, une intimité qui dépasse tous les liens de famille et d’affection de ce monde.

Tu leur as aussi dévoilé le grand projet d’amour du Père :

-          « La volonté de mon Père, c’est que je ne perde aucun de ceux qu’il m’a donnés » (Jn 6.39)

-          « De même on ne veut pas, chez mon Père qui est aux cieux, qu’un seul de ces petits se perde » (Mt 18.14)

-          « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique pour que tout homme qui croit en lui ait la vie éternelle » (Jn 3.16)

Tes disciples l’ont médité et explicité à leur manière :

-          « Il m’a fait connaître le mystère de sa volonté, ce dessein bienveillant qu’il avait formé en lui ,par avance… » (Eph 1.9-10)

-          « lui qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » (I Tim 2.3)

-          « Le culte spirituel que vous avez à rendre, c’est d’offrir vos personnes, de vous laisser renouveler et de discerner quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui lui plaît, ce qui est parfait. » (Rom 12.1-2)

À nous de concrétiser, d’actualiser :

-          observer les commandements… « Tu aimeras »

-          tenir bon ses promesses, respecter ses engagements..

-          discerner au quotidien les choix à faire       en essayant d’aller du côté où nous pousse l’Esprit,

avec les risques que cela peut comporter..

avec le sentiments de profonde paix intérieure qui en découle..

Sur la terre comme au ciel       

                                               On peut traduire ainsi :

avec la promptitude, l’élégance, la joie, la facilité…

avec lesquelles ta volonté, ta justice, ta vérité, ta paix…

                                                                                                                                s’accomplissent au ciel !

« Nous nous confions à toi, Seigneur, juste juge.

Nous sommes contents de ne pas être en mesure de juger à fond notre vie,

de juger si nous sommes ou non pleinement dans la volonté de Dieu,

si nous vivons vraiment l’évangile, si notre Église est vraiment évangélique comme elle le devrait.

Tu le sais, Seigneur et tu nous jugeras avec amour

et aussi avec la capacité de nous purifier,

car nous sommes à toi et nous voulons que toi seul règne dans nos cœurs. » (p. 202)

Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour !

                                                                                  La plus modeste des demandes !

Pourquoi demander le pain quotidien… et non pas la foi, l’espérance et la charité ?

-          Parce que nous nous reconnaissons dans ces disciples à qui Jésus a dit :

« Ne vous inquiétez pas en disant : Qu’allons-nous manger ? boire ? De quoi allons-nous nous vêtir ? 

Votre Père céleste sait que vous avez besoin de tout cela !

Cherchez d’abord le Royaume et sa justice et tout cela vous sera donné par surcroît » (Mt 6.30)

Nous sommes appelés

-          à nous contenter du nécessaire,

-          en nous établissant dans une grande confiance filiale,

-          à ne pas amasser, à ne pas vivre dans la peur du manque,

-          à ne pas accumuler des provisions de toutes sortes…

-          à ne pas avoir de prétentions,

-          à ne pas imaginer des lendemains qui chantent…

-          à vivre aussi le partage et la solidarité, car ce n’est jamais au singulier que nous prions le Notre Père…

Si Charles de Foucauld faisait sienne cette prière qu’il mettait sur les lèvres de Jésus :

« Mon Père, je m’abandonne à toi, fais de moi ce qu’il te plaira »

et qu’il nous est difficile à nous de la dire sans réserve,

nous n’en sommes pas moins appelés à grandir dans la confiance,

jusque dans l’épreuve, la maladie, le malheur…

Notre pain de chaque jour… n’est-ce pas aussi le pain de la Parole,

                                                               le pain de l’Eucharistie ?

            «Si tu savais le don de Dieu… »

« Je suis le pain de vie ! Qui mangera ce pain vivra à jamais.

Le pain que je donnerai, c’est ma chair, pour la vie du monde. »

« Seigneur donne-nous toujours ce pain là ! »

 

Pardonne-nous nos offenses

Comme nous pardonnons aussi

à ceux qui nous ont offensés.

                                               Dans ce monde absurde, conflictuel, agité par des absurdités…

                                               Comment vivre plus que la tolérance, la coexistence, le respect de l’autre ?

                                               Même nos communautés sont constamment tentées par la division, le désaccord,

                                               le conflit !

Nous étonnons qu’il en soit ainsi…

Jésus, lui, ne s’en étonne pas.

Il sait que notre vie est parsemée de pièges et qu’elle est fragile,

            qu’elle se déroule dans un contexte d’absurdité et de péché,

            qu’elle a donc continuellement besoin d’être rachetée, défendue contre toutes ces menaces.

La communauté est le lieu du pardon parce qu’elle est d’abord le lieu du péché.

C’est quelque chose qui nous surprend et que nous ne réussissons à comprendre et à accepter qu’avec le temps.

Nous sommes charnels, nous sommes fragiles : il faut en prendre acte et l’accepter sans s’en scandaliser.

Cela ne signifie pas que nous ne devions pas chercher de toutes nos forces à vivre la communion fraternelle.

Mais il est important de savoir que nous sommes appelés à tendre à l’unité dans une communauté qui est toujours,

en quelque mesure, conflictuelle. Si nous le reconnaissons, nous ne nous effraierons pas trop quand nous découvrirons que

nous même nous avançons souvent en marchant sur les pieds des gens, au milieu de beaucoup de discussions et de divisions.

Notre péché nous rappelle continuellement que nous devons pardonner sans nous attendre jamais à arriver au bout du

chemin, parce que demain nous devrons pardonner de nouvelles offenses. (Cf. I Cor 3.1-9)

 

 
 

Le Notre Père n’emploie pas le mot « péché », mais le mot « offense » qui vise l’atteinte portée à une relation de respect, d’amour.

 


« Pardonne-nous comme nous pardonnons ! »

« Si vous ne pardonnez pas aux hommes leurs manquements, votre Père non plus ne vous pardonnera pas vos manquements » (Mt 6.14)

Le Père sait bien que nous nous offensons facilement les uns les autres.

Il veut lier de façon absolue son pardon à notre pardon, un pardon gratuit, du fond du cœur. (Mt 18.35)

De même Jésus est d’une exigence surhumaine :

« Aimez vos ennemis… ainsi vous serez les fils de votre Père ». Il voudrait que nous ressemblions à son Père !

L’héroïsme de l’évangile est difficile mais il est possible.

C’est une caractéristique absolue du message du Christ.

C’est à toi que je le demande, Père de tendresse et de miséricorde :

Est-ce que je mesure la dette incalculable que j’ai envers toi ?

l’amour dont tu m’embrasse depuis l’éternité ?

la fidélité qui me soutient et me fortifie ?

Donne-moi la certitude de cet amour infini que tu me portes.

Donne-moi de savoir me mettre humblement au rang des pécheurs.

Donne-moi de ne cultiver aucune jalousie, aucune rancœur, aucune amertume.

Donne-moi de me montrer miséricordieux comme toi-même es miséricordieux.

 

 

Ne nous soumets pas à la tentation

Cette formulation n’est-elle pas choquante, sinon scandaleuse ?

Ne vaudrait-il pas mieux dire : « Ne permets pas que nous cédions à la tentation ! » ou bien « Ne nous abandonne pas dans la tentation ! »  Georges dit toujours : « Ne nous expose pas à la tentation »  J’aime bien : « Ne permets pas que nous ayons le dessous ! »

Pourquoi pas ! À condition qu’on mesure bien que la tentation est partie intégrante de l’expérience humaine et chrétienne.

Rappelons-nous que Jésus a été conduit au désert « pour » y être tenté par le diable (Mt 4.1)

Ce n’est pas Dieu qui nous tente, qui nous teste mais il sait que la tentation nous est nécessaire pour grandir dans la foi. C’est un piège dans lequel « le Malin », l’Adversaire, cherche par tous les moyens à nous faire tomber.

Il y a la tentation radicale de prendre le parti du mal, de ne pas accueillir l’amour… (2 Thes 2.8/12  -  Mt 24.11/12)

Mais il y a surtout l’expérience quotidienne des tentations que chacun rencontre…

-          la séduction (sensualité, envie, orgueil, violence) parfois si forte que satan semble entrer en nous, envahir notre psyché, notre corps… jusqu’à la perversité. « Toutes ces mauvaises choses sortent du dedans et rendent l’homme impur. » (Mc 7.17/23)

Le dedans, le cœur de l’homme, le conscient, le subconscient, l’inconscient… Jésus, Toi qui sais ce qu’il y a dans l’homme (Jn 2.25), tu n’es pas étonné de ces contradictions, toi qui as fait le cœur de l’homme à ton image et ressemblance, toi qui a mis en lui la capacité d’aimer et d’être aimé, dis-nous pourquoi l’emprise du mal est aussi forte sur lui ! Et pourquoi le désir de faire le bien (Eph 4.32/52 – Gal 5.22/24) n’est-il pas le plus fort ?

« Mon péché, moi, je le connais… Ô Dieu, crée en moi un cœur pur » (Ps 50)

-         la contradiction : ce sont les offenses auxquelles on nous soumet, pour briser notre être, ou celles que nous déployons par jalousie, envie, moquerie..

-         l’illusion : c’est la tentation de la radicalité, de la pureté, de l’austérité, de la rigueur, qui isole, décourage et détruit une communauté…

-      le silence de Dieu : quand nous nous sentons tout seuls, abandonnés : Pourquoi Dieu n’intervient-il pas, semble-t-il nous laisser tomber ?

-        l’insignifiance de Jésus : quand au nom de la laïcité toute la vie sociale se construit en effaçant les signes extérieurs de la foi, quand l’éducation, la culture, traitent Jésus comme insignifiant. Il nous faut alors retrouver la fierté d’être chrétiens, assumer d’être minoritaires et même marginaux. (Actualité de la première lettre de Pierre et de la Lettre à Diognète)

Notre force : « La Parole de Dieu, méditée jour après jour, construit et reconstruit une telle richesse intérieure, que nous pouvons tout affronter, même une armée, même la solitude totale ».

Enfin il faut dire que notre force dans la tentation est aussi liée à notre volonté d’éviter les occasions de pécher. On pourrait paraphraser : « Ne nous soumets pas à la tentation, comme nous aussi nous cherchons à l’éviter ».

 

 

Mais délivre-nous du mal

                                               Le verbe grec signifie « arrache-nous »… de la gueule du Malin .

Quand nous sommes dans les griffes de satan, nous avons besoin d’en être arrachés, d’être délivrés du mal qui nous entoure de toutes parts, qui nous séduit, nous implique, nous entraîne.

C’est un cri de grande douleur, qui fait écho aux psalmistes : le malade, le prisonnier, le vaincu, qui demandent à être « tirés de la fosse », de la boue où ils s’engluent.

« Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps qui me voue à la mort ? » (Ro. 7.24

Les forces de la malignité se sont introduites dans le monde. Elles sont comme un torrent qui parcourt le monde, un déchaînement auquel participe éventuellement satan.

Dans l’âme qui se laisse prendre à ce goût de faire le mal, elles provoquent une conscience mauvaise qui harcèle, rend névrotique et faible.

Jésus, tu es entré dans cette expérience du mal qui se déchaîne.

Tes ennemis te mettaient au défi : « Que Dieu l’arrache à la croix s’il l’aime ! »

Et toi, semblable au damné qui se sent séparé de Dieu, tu as touché le fond du mal

et tu as crié : « Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »

Et puis tu as eu la force de rendre ton dernier souffle en disant : « Père, je remets mon âme entre tes mains »…

Rends-moi clairvoyant devant les ruses du malin

qui séduit en faisant miroiter des jouissances,

qui décourage, attriste et inquiète,

qui sait bien profiter de nos faiblesses physiques et psychiques.

Donne-moi confiance et force pour résister au malin !

Grâce à l’Esprit bon, nous sommes alliés dans cette résistance.

Tu m’en donnes clairement conscience par l’allégresse intérieure, la sérénité, la facilité quand je vis en allié

Tout ce mal dans lequel nous sommes plongés ne s’explique pas seulement par notre faiblesse et notre fragilité.

Il est goût de faire le mal, de faire souffrir, il est pure malignité,

et nous ne savons pas l’expliquer car il est pure absurdité.

C’est peut-être en regardant ta croix

que j’ai une petite idée de l’énormité et de la perversité des déviations qui endeuillent le monde.

Seigneur Jésus, tu as vaincu, tu as surmonté toutes ces malignités

et nous sommes sûrs qu’avec ta grâce nous serons capables de les vaincre.

 

 

                             Si j’ai fait mienne cette méditation du Notre Père,

je n’en ai pas moins repris, souvent littéralement,

les mots et les phrases de Mgr Martini. (Editions Bayard 2007)

           

Publié dans Notre Père

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