18-19-20 Juillet 1980 - Massada - En geddy - Qumran

Vendredi 18 Juillet – Massada       

            

De nouveau à travers le désert, nous roulons sur 30 kms de Béershéva à Arad, ville nouvelle dans le Nord du Néguev, peuplée surtout de nouveaux arrivants. Mais la Bible en parle plusieurs fois : Nombres 21,1 – Juges 1,16

 

Nous posons nos sacs en tas pour nous alléger et prenons le sentier escarpé qui va nous conduire à Massada, forteresse édifiée dans un site impressionnant, juste en face d’une presqu’île jordanienne (Lissan), 500m  au-dessus des eaux sulfureuses de la Mer Morte. En face, de l’autre côté de la Mer Morte, la forteresse de Machéronte, où Jean-Baptiste aurait été décapité.

 

Massada était un fortin hasmonéen au 2^ème s. avant J-C. Hérode le grand, fuyant les Égyptiens, va demander refuge aux Nabatéens. Il découvre qu’on peut y conserver l’eau de pluie. Il va faire creuser des citernes, édifier une enceinte et en faire une forteresse imprenable avec palais, villa personnelle, colombarium. Hérode le grand (40 à 4 avant J-C : donc mort 2 ans après la naissance de Jésus) avait de grandes ambitions. Il voulait se comporter comme un prince hellénistique, se gagner les faveurs des Romains, se concilier les juifs (Le Temple restauré, Hébron), assurer sa sécurité car il avait une peur bleue des complots.

 

Hérode-Agrippa (celui qui fit exécuter Jacques – Actes 11,18) en hérite. Puis une garnison romaine l’occupe jusqu’à l’insurrection Zélote de 70/73 où un millier de résistants se réfugient, pensant la forteresse imprenable. Les romains conduiront un siège éprouvant : 8 camps, mur d’encerclement, immense rampe de terre à l’Ouest, qui les amène au pied des murailles… Boulets, béliers. Discours enflammé d’Éléazar : décision de se tuer les uns les autres, chacun sa famille, puis 10 élus pour tuer les autres, le dernier survivant se donnant la mort auprès des siens après avoir incendié le palais. Les romains qui monteront à l’assaut le lendemain seront impressionnés par la désolation et le silence et pleins d’admiration devant le courage de ces Zélotes juifs, dont deux femmes cachées dans une citerne raconteront le sacrifice.

 

En 132-135 : révolte de Bar Korba : mais ils n’ont sans doute pas utilisé Massada. (Cf. Flavius Josèphe, pharisien et général juif, dans ‘La guerre des juifs’)

Massada deviendra monastère byzantin, puis sera occupé par les Perses en 614.

Redécouvert et fouillé en 1964 et redevenu lieu symbolique pour les juifs : le serment des officiers à Massada. « Massada ne tombera pas une deuxième fois ! »

 

La visite de ce haut lieu de la résistance juive, des citernes, des bains romains, des restes du palais, des terrasses, du belvédère est impressionnante.

   

Samedi 19 Juillet – Ein Gueddy

 

C’est samedi, donc Shabbat… Il n’y a pas de bus. Nous devons cantonner à Ein Guéddy, Pourquoi pas ? Le site de cet oasis est étonnant, en bordure de Mer Morte. Nous ne tardons d’ailleurs pas à nous y plonger. Mais on n’y trouve aucune fraîcheur et on est bien content de passer sous la pomme d’arrosoir d’eau non saumâtre pour se débarrasser de ce mélange de sel et de souffre qui colle à la peau.

 

On cherche l’ombre sous les acacias, mais le sol pierreux est dur aux fesses et il fait 45° à l’ombre ! Un petit tour dans le bar installé à proximité nous fait comprendre comment l’air conditionné est indispensable pour les touristes. Mais nous ne sommes pas des touristes !

 

Nous nous installons à l’écart, près de la source de David pour célébrer :

Ézéchiel 47, 1-12 : Ézéchiel voit jaillir sous le Temple une nouvelle source qui va fertiliser la région la plus aride du pays, manifestant la puissance vivifiante du Seigneur ; elle fait germer en grand nombre des arbres fruitiers, des arbres aux vertus médicinales.

 

« As-tu vu, fils d’homme ? Cette eau descend dans la Araba, à Ein Guéddy, pénètre dans la mer et en assainit les eaux. Partout où pénétrera ce torrent, il y aura de la vie… Au bord du torrent, sur les deux rives, pousseront toutes espèces d’arbres fruitiers, leur feuillage ne se flétrira pas et leurs fruits ne s’épuiseront pas, ils donneront chaque mois une nouvelle récolte parce que l’eau du torrent sort du sanctuaire. Leurs fruits serviront de nourriture et leur feuillage de remède. »

 

Apoc 22,1… C’est du trône de Dieu et de l’Agneau que jaillit

«un fleuve d’eau vive : entre les deux bras du fleuve est un arbre de vie produisant 12 récoltes. Chaque mois il donne son fruit et son feuillage sert à la guérison des nations. Il n’y aura plus de malédiction. » 

Jean 7, 37-39

« Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et que boive celui qui croit en moi. Comme l’a dit l’Écriture, de son sein couleront des fleuves d’eau vive’.

 

À l’heure du dîner, mauvaise surprise : notre groupe de 5 avait acheté des pommes pour le dessert. Les pommes étaient à l’entrée de mon sac, elles n’y sont plus ! Nous supposons qu’elles nous ont été « piquées » pendant que nos sacs étaient entreposés en bas de Massada…C’est là qu’on éprouve le manque ! Une autre équipe partage avec nous : nous nous contenterons d’une demie pomme ! Chapeau les copains !

 

 

 

 

Toujours au bord de la Source, dans le magnifique parc naturel d’Ein Guéddy, Manu nous invite à relire ce qu’a pu être l’expérience de l’Exode pour le peuple hébreu :

 

-          Hypothèses concernant le passage de la Mer Rouge

o        Selon les traditions, peut-être au Nord du Grand Lac salé : Ex 14,15-30

o        Fusion possible de diverses traditions par Esdras, vers 400, pour refaire l’unité d’un peuple divisé

 

-          Hypothèses concernant la route des hébreux dans le désert

o        La route de la mer : « Dieu les empêcha de prendre la route des Philistins, bien qu’elle fut la plus directe. Dieu s’était dit : il ne faudrait pas que, à la vue des combats le peuple renonce et qu’il revienne en Égypte ! Dieu détourna le peuple vers le désert de la mer des Joncs » (Ex. 13,17)

o        La route du Sud, par le Sinaï, l’oasis d’Aïn Hundra

o        La route de Shur, qui arrive assez vite à l’oasis de Cadès Barnia, confirmé par le phénomène des cailles qui arrivent d’Europe et se posent à la limite du désert (Nombres 11, 31-34). La manne, phénomène inconnu ailleurs que dans le sud. La plus vraisemblable…

o        Sans doute expériences différentes, vécues par des groupes divers et qui ont été unifiées dans une même tradition. Nombres, 14, 35-45 nous dit que les Amalécites les empêchèrent de gagner la Palestine, ce qui les aurait obligés à nomadiser dans un triangle Cadès – Eilat – Sud Mer Morte. N’est-ce pas dans ce pays des Madianites que Moïse avait pris sa femme Cippora ? (Ex 2.21)

 

-          Les localisations dans le Sinaï datent des chrétiens byzantins, qui les ont d’ailleurs déplacées. Les Juifs ne vénéraient pas les lieux, sauf le Temple. Les chrétiens ont commencé par vénérer les lieux du salut : Golgotha, Gethsémani, Bethléem où furent édifiées les trois premières basilique byzantines.

 

 

 

 

 

      

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dimanche 20 Juillet – Qumran

 

Le 1^er Avril 1947, des bédouins à la recherche de leurs brebis découvrent dans une grotte des bords de la Mer Morte des poteries remplies de manuscrits… D’autres trouvailles suivirent qui déclanchèrent une fouille méthodique. Des milliers de fragments de la Bible, spécialement le fameux Rouleau d’Isaïe exposé au musée du Livre. Jérémie avait écrit : « Prends ces documents et l’acte d’acquisition, l’exemplaire scellé et la copie ouverte, puis place-les dans un vase de terre, ainsi ils se conserveront longtemps » (Jér 32,14)

 

La collecte et le dépouillement de tous ces documents font remonter de 1000 ans les sources bibliques et ouvrent une page très importante et mouvementée d’interprétation de leur origine et de leur utilisation par la communauté monastique qui était très certainement installée à proximité : sans doute des moines Esséniens, qui ne vivaient certainement pas dans les grottes mais peut-être sous la tente.

 

L’École biblique de Jérusalem a joué un rôle immense, avec le Père de Vaux pour remettre en valeur le site du monastère et essayer de comprendre son fonctionnement. Mais des intrigues internationales et interreligieuses donnèrent à ces recherche un caractère sulfureux et confidentiel digne d’un roman policier. (Voir par ex. le livre de Juliette Abécassis)

 

Qui étaient ces Esséniens ? Sans doute une secte constituée de ‘hassidim’, des hommes pieux, vivant à l’époque de la révolte des Macchabées. Ils estiment que le sacerdoce est corrompu et décident de partir comme en exil en attendant un nouvel Exode. Ils ont un guide, qu’ils appellent ‘le Maître de justice’. Peut-être y eut-il des communautés esséniennes très diverses, dont certaines vivaient dans des villages de Palestine. Ici vivait une communauté d’hommes, célibataires, pratiquant une discipline très stricte.

 

Jean-Baptiste aurait-il été un essénien ? Le baptême ne serait-il pas d’origine essénienne ? Pas très vraisemblable car J-B ne demande pas une rupture mais une conversion en restant dans son état de vie. Ce que propose J-B est pour tous les hommes, alors que les esséniens semblent avoir eu des pratiques sectaires. Certains imaginent même qu’ils pouvaient être des descendants d’exilés, déçus des conditions du retour et restant nostalgiques de l’Exil. Ou tout simplement comme au temps des Macchabées des juifs traditionnels qui refusaient la pénétration de la culture grecque.

 

Loisy dira : ‘Le christianisme est un essénisme qui a réussi’. C’est vrai que cette découverte peut aussi éclairer les débuts du christianisme, encore que, selon Paul, les premières communautés chrétiennes vivaient plutôt dans des villes. Et la lettre aux Colossiens combat peut-être des théories proches des esséniens.(Col 1,16 et 2,15)

Nous parcourons avec recueillement ce site, admirant les adductions d’eau venant de la montagne, imaginant ce qui pouvait être la salle commune, le scriptorium, le réfectoire, les ateliers… Il semble qu’un tremblement de terre datant de 31 av. J-C y ait rendu la vie impossible.

Toujours est-il que pendant deux millénaires les vents de sable recouvrirent comme d’un linceul ce site étonnant.

Ainsi se termine notre semaine dans le Néguev, la Araba et le Sinaï. Nous prenons un bus qui va nous conduire à Naplouse. Malgré tous mes efforts, je n’ai pas pu résister au sommeil et entre Jérusalem et Naplouse, je n’ai rien vu du paysage de la Judée et de la Samarie.